mercredi 23 mai 2012

« Amicale des armaillis gays et catholiques »


Il est des expositions qui vous remuent et vous poursuivent. Connaissez-vous les poyas de l’artiste vaudois François Burland ? Elles sont exposées au Musée gruérien de Bulle...
Au Musée gruérien ? Si c’est pour défiler devant des bredzons poussiéreux, des barate à beurre et des toits en tavillons…
Et bien détrompez-vous ! Car l’exposition permanente du musée vient de rouvrir ses portes, et c’est un exemple du genre ! On rêverait d'une semblable initiative dans d'autres coins de Suisse romande… Un plaisir fou à entendre l’armailli-soliste Bernard Romanens résumer son audition pour la Fête de Vignerons de 1977, l’abbé Bovet raconter la genèse de la chanson «Le Vieux Chalet», lire des lettres de paysans émigrés au XIXe siècle à Nova Friburgo, au Brésil…
Et puis sans transition, François Burland.
Le choc, un choc fertile.
Ce cinglé de Burland a remis au goût du jour l’art de la poya, ces peintures naïves évoquant la montée à l’alpage. Une trentaine d’œuvres sur papier, à la craie et au graphite :
Des armaillis prient autour d’une vache estampillée «UBS Secret life», forment l’Amicale des armaillis gays et catholiques... ou surveillent leurs pâturages par ordinateurs interposés : « berger, grâce à Google, ton troupeau surveillé 24h sur 24». Ailleurs, une publicité pour du gruyère 100% halal, du viagra «pour être puissant comme ton Hürlimann», des  préservatifs «La Burqua» made in Switzerland, et le slogan : «berger, pendant l’estive, gare au malin, ne découvre jamais ton minaret». C’est pas fini… « Mais qui a tué Betty Bossi ? Un seul indice, du saké dans la fondue»… «Berger, arrête les champignons et prends des vacances à Marsens»… «Mieux qu’un nain de jardin, placez un travailleur clandestin dans votre alpage, tous les mardis, arrivage en provenance de l’Est»…
Ce qui m’a parlé dans un univers aussi déjanté ?
Ce mélange de passé et de présent (poya de promotion touristique ou poya de marketing), d’intemporel et d’actualité, de tradition idéalisée et de modernité anxiogène, de valeurs rêvées et de crise sociale, d’art et de politique. C’est surtout l’humour, peut-être le meilleur moyen de pousser la réflexion, et de renouveler son regard sur une région.