samedi 10 novembre 2012

Mon pauvre ami de… Kyoto ?!?


Douze heures de vol, huit fuseaux horaires, l’Extrême-Orient… et la curieuse impression de me retrouver à la maison !
Deux îles. L’une au milieu de l’Union européenne, l’autre dans l’Océan pacifique. Deux îles que plusieurs millénaires d’histoire séparent, et pourtant.
En foulant le sol nippon, le visiteur helvète y découvre son reflet, une caricature dans un miroir grossissant.
"Amitié"
Le Japon, comme la Suisse, c’est le jour et la nuit. Le jour, la norme, et la nuit, sa transgression. La croissance et la décroissance, la fast et la slowlife, la froideur et la gentillesse, la retenue et la générosité.
Aux heures « ouvrables », le  Japon vérifie ses clichés : éthique du travail (une dizaine de jours de congé par année), fatalisme docile (les inégalités ne sont que les conséquences bouddhiques de réincarnations malheureuses), introversion consensuelle (ne jamais perdre la face, ne jamais évoquer l’intime), politesse extrême (même les distributeurs d’argent vous font des courbettes sur l’écran), propreté obsessionnelle (on dormirait dans leurs toilettes publiques) et conformisme citoyen (adapter son « moi » aux autres plutôt que l’imposer).
La nuit, c’est un peu différent.
Au sortir du turbin, le Japon se débride, s’oublie, se lâche et goûte aux saveurs du présent : plaisirs des sens (excellence culinaire), plaisirs à la fois intimes et conviviaux (karaoké ou bains publics), plaisirs esthétiques (le quartier tokyoïte de Shibuya est la nouvelle capitale mondiale de la mode), plaisirs naturels (les médias anticipent la progression précise, du nord au sud, du rougissement des érables) et plaisirs excessifs (une tournée de saké suffit pour que ces mêmes êtres introvertis rencontrés le jour se mettent à se déhancher dans les boîtes de Raponggi).
Jamais en Asie, je ne m’étais senti aussi proche d’un pays, aussi peu gaijin (étranger). Voyager au Japon, c’est faire la connaissance de petits-cousins éloignés, c’est retrouver une société à deux visages, laborieuse et festive, technologique et traditionnelle, individualiste et conviviale, bref, une société comme la mienne, branchée sur un moteur à deux temps.
Dans un univers aussi familier, pas étonnant que - par le plus fou des hasards !!! - venu déguster le célèbre bœuf de Kobe dans un minuscule restaurant de Kyoto, je me casse le nez sur ce bon Marc, un ami exilé à Singapore depuis deux ans… un ami de Morges !
Inutile d’ajouter que ces retrouvailles se sont célébrées davantage sous le signe de la nuit que du jour…

Cher nouveau syndic de Morges,


D’abord félicitations pour tes 2'165 voix (j’ose le «tu» puisque tu es de 75). J’imagine que la fête fut belle à la Vogéaz et que tu n’es pas fâché de mettre un terme (provisoire) à tes distributions de petits pains, de roses et de sourires accrocheurs.
Vincent Jacques
Tu peux enfin souffler… avant de te remettre au boulot, car on viendra vite te titiller sur la question du logement, des transports, et peut-être même, qui sait, de ces multinationales aux mains dégueulasses qui prospèrent dans ta ville.
Pour ma part, je voulais te parler d’un sujet anodin : le sauve-qui-peut des 20-30 ans, la diaspora de ces jeunes qui n’ont pas pu voter pour toi puisqu’ils habitent désormais Lausanne ou Genève.
Je suis un Morgien - par mes écoles, mon gymnase, ma famille – et reste un Morgien, même si je fais partie de ceux qui ont fui La Coquette à l’âge de 20 ans pour s’établir dans une ville, disons, un peu plus rock’n’roll, un lieu qui offre à ses jeunes d’autres activités nocturnes qu’écluser des pintes dans un pub sordide avant d’aller fumer des joints sur le débarcadère de la CGN.
Les rues de Morges sont certes animées, pleines de parents, d’enfants et de personnes âgées, une population joviale, colorée… mais à laquelle… ne manquerait-il pas cruellement toute une tranche d’âge ?
Pour éviter que «ma» ville prenne des airs de centre d’élevage ou de mouroir doré, je me permets de glisser ici quelques mots que tu sauras lire avec l’ouverture d’esprit qui te caractérise.
J’espère de tout cœur que tu te battras pour rendre cette ville vivable, vivante et vivifiante. Qu’elle troque au plus vite ses cabinets psychiatriques contre des terrasses où socialiser jour et nuit. Qu’elle échange son cabaret contre une salle de concert pour les groupes du coin. Ses glaciales grandes surfaces contre de petits commerces à qui l’on donnerait les moyens de survivre. Ses quais de béton dépressifs contre quelque chose de plus… imprévisible ? Et que les jeunes puissent bientôt trouver à Morges un studio ou un appartement de collocation abordable.
J’espère aussi que tu continueras à soutenir les véritables acteurs culturels : les Trois p’tits Tours, l’Odéon, la Syncope, pour ne citer qu’eux, et les sociétés locales !
J’espère que tu brusqueras le dossier du contournement tant attendu de l’autoroute (il m’arrive d’imaginer le potentiel créatif, économique, sportif et culturel qu’autoriserait, avec un brin de folie, ce «no man’s land» de trois kilomètres sur 50 mètres, en plein centre-ville !).
Bref, j’espère que tu n’auras pas peur d’investir, de déranger, prendre des risques et parier sur l’avenir !

 (publié dans le Journal de Morges le 28.9.2012)