jeudi 23 septembre 2010

“La reine? Une servante plutôt, qui fait des enfants, des gâteaux, des chaussettes de laine... Une Pénélope tricotant sa patience pendant qu’Ulysse navigue entre les vignes, ou quand il est solidement amarré au port de sa cave. La vigneronne se demande parfois si elle ne manque pas un peu à cet Ulysse qui a pris l’habitude de passer au large. Elle le connaît bien. Est-ce le ciel embrumé de ses longs hivers? C’est vrai que le soleil d’un sourire est plutôt rare sur son visage. C’est vrai qu’il emploie des mots trop importants, des phrases définitives. Elle aurait envie d’ajouter quelque chose, de ces mots de femme qui n’engagent pas la responsabilité de la commune, des mots qui caressent, refont le printemps : visage, épaule, tu as mal?, tu es fatigué?, enfant, je t’aime bien quand-même... Seulement, voilà, ils ne viennent pas, ces mots qui accompagnent. Elle les garde pour elle, poursuivant son monologue silencieux là-haut, au niveau des cuisines et des chambres. Elle en ferait une chanson de sollicitude, si elle savait, pour lui dire qu’elle est à côté de lui, qu’elle le plaint parfois comme on plaint l’enfant. Même ces jours où lui, le roi fragile, refait le monde ou le district. Quand il est sûr de lui comme un pape et important comme une autoroute.”
Emile Gardaz

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