lundi 24 octobre 2011

Au-delà des urnes

J’avais commis une chronique politique, une de plus, pour répéter, entre autre, que la Suisse va bien, sa monnaie, ses universités, sa dette, son tout petit chômage, vraiment pas de quoi prendre peur, et voter sécuritaire en cette période d'élections fédérales.

Au contraire, plutôt de quoi afficher sa fierté, en format mondial. «Les Suisses votent UDC», pour les uns. «Les Suisses qui sont heureux votent PDC», pour les autres. «Par amour de la suisse», pour le PLR...

Parmi ces candidats aux sourires crispés qui colorent nos campagnes, j’avais surtout envie de distinguer les patriotes des nationalistes. L’amour d’un pays du repli sur soi. La chance consciente de vivre ici de la méfiance, l’exclusion. J’avais rédigé 2’000 signes, les avais relus, m’apprêtais à les envoyer au journal…

… quand tout cela m’est paru vain. Alors j’ai glissé dans une enveloppe une liste aussi panachée que hasardeuse, sans connaître le centième des 3472 candidats, et sachant que la participation ne dépassera de toute manière pas les 50%.

Puis j’ai préféré glisser ici des mots plus solides. Un vrai programme politique ! Des bribes de sagesse que l'on dit avoir déchiffrées dans une église de Baltimore, en 1692 :

« Allez tranquillement parmi le vacarme et la hâte et souvenez-vous de la paix qui peut exister dans le silence. Sans aliénation, vivez, autant que possible en bons termes avec toutes les personnes. Dites doucement et clairement votre vérité. Evitez les individus bruyants et agressifs, ils sont une vexation pour l'esprit. Ne vous comparez avec personne : il y a toujours plus grands et plus petits que vous. Jouissez de vos projets aussi bien que de vos accomplissements. Soyez vous-même. Surtout, n'affectez pas l'amitié. Non plus ne soyez pas cynique en amour car, il est, en face de tout désenchantement, aussi éternel que l'herbe. Fortifiez une puissance d'esprit pour vous protéger en cas de malheur soudain. De nombreuses peurs naissent de la fatigue et de la solitude. Au delà d'une discipline saine, soyez doux avec vous-même. Quels que soient vos travaux et vos rêves, gardez dans le désarroi bruyant de la vie, la paix de votre cour. Avec toutes ses perfidies et ses rêves brisés, le monde est pourtant beau. Tachez d'être heureux. »

(JdeM, oct 2011)

samedi 1 octobre 2011

Lire local, penser global

Vous étiez 35'000 curieux à rendre visite aux 280 écrivains du «Livre sur les quais» à Morges. Invraisemblable ! Et si maintenant, au lieu de succomber aux 10 best-sellers de cette rentrée littéraire, vous vous aventuriez dans les belles surprises suisses romandes de l’année écoulée ?


Pour commencer, trois jeunes plumes, trois délicieux recueils de textes courts (le format idéal pour la vie qu’on mène ?) :
Ainsi les Chroniques de l’Occident nomade (Paulette, 2011) d’Aude Seigne, une Genevoise de 26 ans qui ne semble vivre que pour voyager, écrire, lire et aimer. Une multitude de pays, dans le désordre, du rythme, un regard, de l’humilité, de l’intime, de la sensualité ; à lire de préférence à haute voix à un être aimé.
A découvrir aussi, les contes d’Amérique latine du Veveysan Reynald Freudiger, 32 ans. Son recueil Angeles (Aire, 2011) rassemble une dizaine de monologues caustiques où se côtoient un sans-papier bolivien, une avorteuse professionnelle, un kidnappé rongé de remords, un touriste dégueulasse… le tout nourri de ce réalisme magique propre à la littérature sud-américaine.
La Petite Collection d’instants-fossiles (Hèbe, 2010) d’Antoinette Rychner, Neuchâteloise de 32 ans, réunit 25 nouvelles qui sont autant de voyages minuscules, de microfictions, de gros plans sur ces instants où notre quotidien bascule, déchirures ou réconciliations… Sachez qu’elle travaille en ce moment à son prochain livre, seule, dans un phare breton, sans eau, ni électricité…
Je n’oublie pas les valeurs sûres. La Cour des Grands (Campiche, 2010) de Jacques-Etienne Bovard imagine la cohabitation fortuite d’un auteur qui se veut nobélisable et d’autres dits «de romans de gare» : une jouissive satire des petits mondes d’écrivains ; l’histoire aurait pu avoir pour décor le «Livre sur les quais»...
Dans un tout autre style, Un Roi (Grasset, 2011) de Corinne Desarzens. Ce «roi» est un requérant d’asile érythréen. L’auteur a fait sa connaissance dans un abri atomique de Nyon, puis effectué trois voyages en Ethiopie, pour avoir le cœur net. Son Roi se dévore, révolte, peut parfois donner envie de déchirer les affiches «Stopper l’immigration massive», permet surtout de faire un grand pas dans la compréhension de l’autre.
Bonne lecture !