samedi 17 octobre 2009

Lire + écrire = bonheur intérieur brut

Dimanche 4 octobre, à l'heure de la messe, dans la Maison Supersaxo, à Sion. L’écrivain Bastien Fournier avait convié une dizaine d’autres écrivains à débattre des heurts et malheurs de la littérature suisse romande... en France.
Germain Clavien d'abord. Paris ne s'intéresse pas à nous, point. Narcisse Praz de réagir. Et bien, unissons-nous pour mieux passer la frontière ! L’enthousiasme n’est pas majoritaire. Si Partick Rossier condamne le manque d'identité régionale des lettres romandes, Isabelle Flückiger se considère, en réaction, comme écrivain du monde. Si Jérôme Meizoz rappelle qu’historiquement la « littérature alpine suisse » était un choix gouvernemental abondamment subventionné, Nicolas Couchepin note qu’actuellement il n’y a simplement pas assez d'argent pour exporter la littérature suisse romande. Enfin, Eugène (qui n’a visiblement pas apprécié de s’être levé tôt pour entendre des gens se plaindre) se réjouit malgé tout de la création de nouvelles éditions telles que Cousumouche à Genève (Fred Boquet était là) ou Castagniééé à Vevey (Alain Freudiger aussi). Alain Bagnoud écoute.
Bien. Et si l’on retournait le problème ? Paris a besoin de nous. Paris a besoin de littérature périphérique. Paris a besoin d’oxygène, de recul et de silence. Alors oui, parfois, un Suisse est invité à « monter » à Paris. Mais ce dimanche-là, étrangement, je ne souhaitais à personne d'entre nous de « réussir » à Paris, car « milliers d'exemplaires » et « passages télé » sont les termes d’une langue ennemie.
L'engagement artistique est ailleurs. Il est dans l'espace : refaire le monde, se remondialiser, se retirer, retrouver une identité, une région, une langue, un accent, sans racisme ni cynisme. Il est aussi dans le temps : lutter contre le surmenage, l’urgence, la concurrence et l’hyperconsommation obsessionnelle.
Au-delà de sa publication et de sa diffusion, la littérature redevient ainsi une rencontre intense qui demande une attention complète, une empathie aussi profonde que réciproque, un bien-vivre durable, du bonheur intérieur brut. En cela, la littérature répond à la crise. « Slow Movement », disent certains. Une forme de désobéissance civile qui recrée du lien social là où il n’y en a plus.
Et merde pour Paris qui voudrait tant, quant à elle, « réussir » sur le marché... anglo-saxon !
(publié dans Le Nouvelliste le 17 octobre 2009)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire