samedi 26 décembre 2009

Joyeuses Fêtes Moussie, Samuel et Nega !

Aux nocturnes de Lausanne, un flot d’acheteurs compulsifs et trois chameaux, figurants remarqués de la Crèche vivante (mieux rémunérés que les comédiens) ; mais aussi soirée dédicaces à la librairie des Yeux Fertiles.
L’attente donc du Messie, hypothétique lecteur échappé de sa course à l’originalité du présent. L’écrivain Corinne Desarzens est en retard. Le temps d’ouvrir Le gris du Gabon, son dernier roman, en prise direct avec l'actualité, celle des requérants d'asile.
« Comment rester indifférents au courage, à la grande leçon de vie, et à la violence soft exercée jour après jour sur ces rescapés magnifiques, traités comme si les officiers de l'aéronautique giflaient les astronautes de retour de la lune ? » Subtilement, son ouvrage distille dans une intrigue badine de trafic de perroquets l’âpre réalité des expulsions musclées, des froides statistiques et des cadavres repêchés sur l’île de Lampedusa.
Mais voilà l’auteur, en compagnie de trois amis. Le premier vient d’une ville soudanaise située à la confluence du Nil bleu et du Nil blanc (il mime l’emplacement avec ses mains). Les deux autres sont Erythréens ; près du rayon « récit de voyage », le résumé de leur périple, par la route jusqu’en Libye, puis, contre un millier de dollars, par la mer jusqu’à l’île de Lampedusa, où demander l’asile. Mes yeux ont dû montrer une forme d’apitoiement, car ils ont éclaté de rire : « magnifique traversée, sans vent, comme des touristes ! ». Oui. C’est en Europe que ça s’est corsé. Tous trois attendent leur verdict, entassés dans des « abris ».
Alors je revois mes livres de voyage. « L’hospitalité des gens est inversement proportionnelle à l’hospitalité de leur environnement », peut-on lire dans l’un. Dois-je leur parler de mon ami Omar avec lequel je travaillais dans un chantier de Khartoum ? De la Timkat, le baptême du Christ, à Metema, en Ethiopie, inoubliable nuit blanche rythmée de chants et de danses ?
Ouste ! Non-entrée en matière pour les dédicaces ! Expulsés, les bouquins ! Moussie, Samuel et Nega ont préparé l’injera, l’incontournable repas de la Corne d’Afrique. Un délice. Tous ensemble. Des rires. Noël...
Dans Le gris du Gabon, Corinne Desarzens cite Albert Camus : « la générosité envers l’avenir est de tout donner au présent ». Cette année, mes rois mages se sont appelés Moussie, Samuel et Nega. Et les leurs ?
(publié dans Le Nouvelliste le 27 décembre 2009)

1 commentaire:

  1. Bonjour,
    avez-vous lu "Bilal, sur la route des clandestins" de Fabrizio Gatti ? Je viens de le finir et il m'a rappelé un passage de votre Livre "Notre mer" sur le prix qu'un immigré paie pour fuir l'Afrique. Ce livre, Bilal, me laisse sans voix, je n'arrive pas à ressortir de moi l'impression qu'il a ancrée..
    Cordialement,
    Françoise, de Belgique (petit pays assez perturbant ces derniers temps)

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