jeudi 22 avril 2010

Hersant ou pas, on a la presse qu'on mérite !

Ceci fait suite à un message reçu via facebook par un dénommé Frank Singleton (que risque-t-il pour écrire ainsi sous pseudonyme?) qui dénonce l'«ouverture» du quotidien Le Nouvelliste au groupe français Hersant :
«N'êtes-vous pas chroniqueur au sein de cette rédaction ?
Ne devriez-vous pas soutenir publiquement le groupe
La réponse est non.
«Indépendant» d'abord. A mon avis, le danger n'est pas que le propriétaire d'un média (aussi non-valaisan soit-il) impose une idéologie (aussi non-valaisanne soit-elle), mais qu'il n'obéisse qu'à l'idéologie mercantile. Les yeux rivés sur les ventes et le nombre d'annonceurs. C'est hélas, Frank, déjà le cas. Rhône Média, Edipresse, Tamedia, Ringier ou Hersant, même combat. Et je doute que l'on puisse remettre ce journal aux mains des soeurs de l'Ordre de saint Paul, comme c'est le cas pour La Liberté...
«100% valaisan» ensuite. Là, danger. Un journal n'est pas un vecteur d'identité, mais un vecteur d'informations. Etre Valaisan, c'est de la relation. Un journal, c'est de l'information. Si cette dernière est bonne, ancrée dans le réel, qu'importe finalement que ce journal soit exclusivement valaisan. D'autant qu'en Suisse romande, les rubriques internationales, suisses et économiques (celles que le groupe Hersant voudrait centraliser) s'appuient déjà sur un pourvoyeur unique: l'ATS...
«Ouvert sur le monde» enfin. Naïvement, je crois qu'un journal dépend moins de ses actionnaires que de ceux qui le fabriquent et de ceux qui le lisent.
Aujourd'hui hélas, beaucoup de journalistes «font leurs heures» en comptant les années qui les séparent de la retraite, tandis que beaucoup d'autres rêvent d'une «carrière intéressante» plutôt que d'un engagement passionné et curieux, veulent faire la une, à n'importe quel prix, pour exister dans la «jet set» des médias romands.
Autres responsables de la qualité de la presse, les lecteurs. Je ne crois pas qu'un gros millier de membres sur Facebook suffisent à «sauver» un média. Les journaux veulent vivre. Et pour qu'un journal (valaisan ou non) vive, il doit obéir aux attentes de ses lecteurs. Il s'agit donc, pour avoir un bon journal, d'avoir de bonnes attentes.
Cher Frank, prouvons que produire de la qualité est rentable: ne lisons pas les journaux qui ne nous la donnent pas.
(publié dans Le Nouvelliste)

2 commentaires:

  1. J'ai lu avec plaisir votre chronique dans "Le Nouvelliste", même si je n'ai pas clairement décodé votre allusion aux soeurs de l'Oeuvre de Saint-Paul... Mais mon propos est ailleurs. Vous affirmez qu'en Suisse romande, les rubriques internationales, suisses et économiques "s'appuient déjà sur un pourvoyeur unique: l'ATS...". Permettez-moi de vous préciser que ce n'est pas le cas à "La Liberté". Outre que nous avons encore des correspondants à l'étranger (Paris, Berlin, Bruxelles, Etats-Unis, Moscou...), nous avons tissé tout un réseau de collaborations avec des titres étrangers. Ainsi recevons-nous chaque jour le programme de Libération (pour l'édition du lendemain), dans lequel nous puisons les papiers de notre choix. Comme Libé dispose encore d'un réseau de journalistes de qualité un peu partout dans le monde, nous en bénéficions. Nous avons aussi des accords avec le site Rue89.com et La Libre Belgique, entre autres. Et nous sommes très ouverts aux propositions que nous recevons de journalistes libres.
    Pourquoi cette politique d'ouverture? Pour enrichir notre contenu rédactionnel à des coûts supportables. Contrairement à la plupart des journaux régionaux, La Liberté ne s'est pas repliée sur sa région. Elle caresse encore l'ambition d'offrir un journal généraliste, de première lecture, qui propose des regards pertinents et originaux sur la marche du monde et du pays. Compte tenu de l'évolution de la "consommation" de l'information, il n'est plus possible, aujourd'hui, d'imaginer des pages internationales, suisses ou économiques qui ne seraient que des "cimetières" de dépêches d'agence désormais accessibles en ligne, en permanence. Ce qu'attend le lectorat, ce sont des mises en perspective, des repères historiques, des éclairages, des commentaires, des enquêtes, bref des clefs de compréhension.
    Si "La Liberté" a pu faire des choix à contre-courant de la grande majorité de ses confrères, c'est grâce à son indépendance. Dans les grands groupes de presse, les propriétaires ne tiennent certes pas la plume des rédacteurs en chef, mais ils affirment leur pouvoir en définissant des stratégies parfois suicidaires (pensez aux dégâts causés par les "gratuits" aux journaux payants).
    Vous écrivez encore qu'un journal "n'est pas un vecteur d'identité, mais un vecteur d'informations". Là encore, je ne vous suis pas: les choix et la hiérarchisation des informations retenues font à mon sens partie de l'identité d'un journal - y compris pour l'actualité internationale. Et un journal régional ne survivrait pas s'il était "hors-sol". Vous avez raison quand vous affirmez qu'un journal, pour vivre, "doit obéir aux attentes de ses lecteurs". Il doit aussi, à mon avis, les déranger, et surtout ne jamais transiger sur la qualité.
    Louis Ruffieux, Rédacteur en chef de "La Liberté"

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  2. Merci de m'avoir répondu. Une chronique dans le NF? Je n'en demandais pas tant...
    Franck Singleton

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