dimanche 16 mai 2010

Pourquoi croire encore en l’Europe

A vingt mois des élections fédérales, les turbulences qui secouent l’Europe donneront des ailes aux eurosceptiques. Bientôt nos murs refleuriront d’affiches à faire froid dans le dos, de slogans anti-Schengen, de quoi attiser notre inaltérable sentiment d’insécurité.

Les europhiles, eux, ne broncheront pas. Relancer le débat serait prématuré, inconscient, contraire surtout à leurs intérêts.

Nous voilà donc condamnés à vingt mois d’isolement.

Mais dites, est-ce l’Europe qui est la cause du fiasco grec ? Non. C’est même grâce à elle que le continent restera stable et n’engendrera pas un «état voyou» prêt à se venger de voisins qui l’auraient laissé crever des erreurs de ses dirigeants.

Beaucoup se demandent combien la Suisse aurait dû débourser, si elle était membre de l'Union, pour sauver la Grèce. Demandons-nous plutôt combien la Suisse économiserait à rejoindre enfin l’Europe.

Car la voie bilatérale coûte de plus en plus d’énergie (120 accords signés depuis 1972), d’argent (700 millions de francs par an pour des projets européens de recherche, de coopération policière, d’environnement, etc), nous isole politiquement, nous fait passer pour des profiteurs… tout en nous privant de droit de vote dans les institutions européennes.

L’euroscepticisme est de toute manière insensé, puisque nous dépendons déjà de cette Europe qui accueille 60% de nos exportations et produit 80% de nos importations. Financièrement aussi, puisque la Banque nationale suisse vient d’acheter des euros pour 40 milliards de francs afin d'éviter que ce dernier ne s’apprécie trop et pénalise nos exportations.

En politique internationale, l’entrée dans l’Europe mettrait enfin un terme à ce mythe hypocrite et opportuniste qu’est la neutralité. Un terme aussi à l’affaire Kadhafi, pour n’en citer qu’une, puisque les diplomates européens n’auraient pas «oublié» la Suisse (et Max Göldi !) sitôt la crise des visas terminée.

Enfin, l’Europe allégerait grandement notre budget militaire (encore estimé à 3,5 milliards de francs en 2009 !). Et à la vieille garde idéologique qui s'accroche à vouloir prouver la nécessité d'une armée suisse indépendante, craignant que la crise actuelle réveille une troisième guerre mondiale, nous répondrons que c’est justement parce qu’en 14 et en 39, l’Europe n’existait pas, que la guerre a pu éclater. Que c’est pour cela qu’il faut (re)construire l’Europe et faire perdurer la Paix, ce joyau d’à peine plus d’un demi-siècle.

(publié dans Le Nouvelliste)

2 commentaires:

  1. «… On ose même ajouter que le moment est particulièrement mal choisi pour baisser la garde. L’Europe et le monde sont en train de s’enfoncer dans un tunnel de crises multiples et durables – financière, énergétique, climatique, démographique… – dont personne ne sait sur quoi elles déboucheront. Une hypothèse parmi d’autres est qu’elles engendreront des réactions violentes, populaires ou autoritaires (les colonels en Grèce, ce n’est pas si loin), et que tout le continent européen, politiquement inexistant, pourrait s’en trouver déstabilisé, jusqu’à la guerre. Oui, même la guerre: il ne faut jamais exclure le pire lorsqu’on envisage l’avenir, car à vouloir exclure des hypothèses a priori, on s’expose à se retrouver désarmé le moment venu. Pour la Suisse, c’était le cas en 1914, c’était le cas en 1940… »
    Philippe Barraud ("www.commentaires.ch", 7.5.2010)

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  2. "Elle se fera par des réalisations concrètes créant d'abord une solidarité de fait!" Déclaration Schuman du 9 mai 1950... Il est grand temps!
    Cyril Méan

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