mardi 22 juin 2010

«Pays de continuité et de lente tradition»...

Samedi dernier, flânant parmi les bouquinistes du marché de la Riponne, je suis tombé sur un petit livre écrit en 1952 par Emmanuel Buenzod sobrement intitulé Morges. On y trouve des phrases délicieuses : «c’est ici un pays de petite histoire, un pays de continuité et de lente tradition».
C’est un texte qui a vieilli, bercé par les remugles héroïques de la Mob, célébrant la «sagesse placide» et la «diffuse mélancolie» des Morgiens. C’est malgré tout un texte qui questionne : «la prudence, la bonhommie, la malice du paysan vaudois n’exprime qu’une part de sa nature, laquelle est à la ressemblance du pays, c'est-à-dire à la fois tenace et ouverte, laborieuse et bizarrement disponible, attentive et pourtant en instance d’évasion».
Evasion. Fait d’échapper au quotidien. Et pourtant. Chaque fois que je fréquente la gare de Morges, je ressens le même serrement de cœur, j’ai mal à cette jeunesse agglutinée sur la place, à la terrasse d’un fast-food, fumant des clopes pour se désennuyer, s’évader un peu, oublier le décor, ce temple austère, cette autoroute, ce musée militaire.
«On comprendrait mal certaine lenteur, certaine prudence, certain conservatisme inhérent à l’esprit de la cité, si l’on ignorait que Morges, Morges-l’Orgueilleuse, Morges-la-Coquette, la Weimar de la Suisse romande, vit avant tout de son arrière-pays», poursuit Emmanuel Buenzod.
Il avait raison. Il faut écouter l’«arrière-pays», ces villages qui jouxtent Morges. Dans le désordre et sans être exhaustif : à Denens, le Berles Rock Festival (30-31 juillet), à Villars-sous-Yens, le Giron des Jeunesses de l'Aubonne (8-11 juillet), à Saint-Prex, le Festival de chant, musique et danse (20-28 août), à Echandens, un Caveau que le chanteur Sarclo avait élu «meilleure salle de Suisse romande», à Préverenge… sa plage, ce joyeux remue-ménage qui fait un bien fou à toute une région, jeunesse comprise (et merde pour ces quelques propriétaires aux narines et aux tympans chatouilleux, non ?).
Puisse-t-on parfois troquer la prudence contre ce qu’il faut de disponibilité pour que l’évasion ne soit plus un luxe.
(publié dans le Journal de Morges)

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