dimanche 13 juin 2010

Pourtant, que la montagne est belle...

Si on lui avait laissé le choix, il aurait préféré ne pas avoir à renverser une «boîte à meuh» pour que le petit puisse entendre un meuglement de vache. L'emmener là-haut, lui expliquer que le lait est tiré de ces tétines-là, grâce au savoir-faire de ce vacher-ci, lui montrer comment l'herbe fraîche dans laquelle il joue devient fromage à pâte dure.

Lui faire comprendre que la paysannerie n'est pas une industrie comme les autres, qu'être paysan, c'est moins un métier qu'un mode de vie, que la montagne sans les bêtes, ce n'est plus la montagne.

Cela, c'était un peu avant la disneylandisation des Alpes, cette place de jeu grandeur nature offerte en défouloir à tout un continent, avant cet objet marketing, le drapeau rouge à croix blanche, ce que la ville dit être authentique, avant le réduit national des offices de tourisme, avant les paires de bâtons télescopiques, le trekking en compagnie de lamas et les nuits sous des yourtes mongoles, avant que les vachers polonais se fassent photographier par des touristes hollandais qui auraient tant voulu pour leur fin de semaine de la neige dans les hauteurs et du soleil autour du lac.

Aujourd'hui, ne subsistent que de beaux livres illustrés, les cornes limées des reines de Martigny et le calendrier 2010 des paysannes suisses.

Heidi salue, «standing ovation» à la fin de sa comédie musicale.

Il n'y a plus rien dans les Alpes d'essentiel. C'est du relief qui traverse l'Europe, en se foutant des frontières.

L'amour de la montagne, la déclinaison de ses sommets, la méditation, le bon air, le silence... La montagne, c'est de la tectonique, rien de plus.

Alors à quoi bon se plier en quatre pour un consommateur qui ne sait plus différencier un produit industriel d'un produit artisanal? Le fromage importé ne nourrit-il pas tout autant?

Et vous, paysans pleurnichards, dites, qui a vendu les terrains où se sont construits les grands hôtels?

Dans le séjour douillet d'une maison de retraite, près d'une fenêtre ouverte, un vieux vacher en roule une. Il a vu se construire les remontées mécaniques. Il a vu le prix du litre de lait passer sous la barre de 1 franc. Il a vu se construire la route goudronnée. Il a vu monter la première bétaillère. Il a vu la forêt remplacer ses pâturages.

En parcourant des yeux la montagne, il ne se souvient pourtant que des bons moments.

(publié dans Le Nouvelliste)

1 commentaire:

  1. Nos paysans ici produisent toujours plus et plus vite, pour arriver à en vivre. Heureusement, les tracteurs foncent comme des 2CV maintenant, et le paysan se paye parfois, parfois, certains, un quad. C'est bien pour entretenir les chemins, qu'ils disent. Comme les chasseurs. Moi je dis comme les marcheurs, comme le paysan qui passe sur le chemin parce qu'il va consolider sa clôture. Je me rappelle, en Lotschental, toute cette beauté, et les filins d'acier du remonte-gens. On peut manger à 3000 au refuge, ça ressemble à un musée d'art moderne. Incroyable... Parler, des vachers. Merci.

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