dimanche 19 février 2012

Extrait du spectacle :

Vous avez lu le programme et ne comprenez toujours pas pourquoi les chansons courtoises de la Renaissance fricotent avec les chansons grivoises de Georges Brassens. La réponse est simple : Brassens est un troubadour. Et cela pour plusieurs raisons :
D’abord, il en a passé, des journées, à la bibliothèque du XIVème, à Paris (à quelque pas de l’impasse Florimont), à fourrer son nez dans les auteurs de la Renaissance : Montaigne, Rabelais, Ronsard surtout ! Il a même mis en chanson le poète voyou François Villon, « pour le faire découvrir à l’ouvrier », disait-il.
Ensuite, Brassens, comme les troubadours, est un artiste populaire. Son modèle ? Charles Trenet. Il refuse l’étiquette de « poète », s’oppose à la création hermétique, et milite pour « le droit de tous à la poésie ». Pour ça, il a ses combines. Il camouffle ses poèmes... en chansons. Puis il débarque sur scène, tenant sa guitare comme un paysan porterait une pioche en allant au champ. Il chante, avec la voix d’un ami venu rappeler de bons moments partagés.
De même, comme les troubadours, Brassens a du goût pour les chansons de garde… Il chante volontiers l’intimité des femmes : « Le blason », « Vénus Callipyge » ou « Quatre-vingt quinze fois sur cent, la femme s’em… ». Il glisse des jurons de chez lui, le fameux « coquin de sort » des « Copains d’abord », cuisine l’adjectif « con » à toutes les sauces,  et invente des mots: « s’enjuponner », « gendarmicide », « avoir du savoir-boire ».
Enfin, Brassens, comme les troubadours, est profondément attaché à la liberté de la femme ; souvenez-vous d’« Embrasse-les tous, embrasse-les tous, Dieu reconnaîtra le sien », et voici, en guise d’amuse-bouche, avant l'entracte « La chasse aux papillons ».

[…]


 
Mais pourquoi s’acharner à vouloir reprendre Brassens ? Tant de gens lui ont déjà fait du mal. Songez à la reprises de « Fernande » par Carla Sarkozy, ou pire, « Je me suis fait tout petit » par Christophe Maé !
Et puis, Brassens, il n’a jamais voulu d’orchestre. Il aimait dire : « quand tu chantes une chanson à un copain, il n’y a pas quarante violons cachés dans le placard ».
Et puis, Brassens, sauf une fois, pour une chanson, il n’a jamais voulu de chœur. Car comment un chœur peut-il interpréter des chansons écrites en « je » ? Comment un chœur peut-il transcrire ce ton de confidence, d’intimité ? Et rendre la diction parfaite de Brassens ? Et puis comment dire l'accent chantant du sud... avec l'accent vaudois ?


[…]


Mais vous allez me dire que Brassens, c’est tout de même un ours qui n’a jamais eu ni femme, ni enfants. Un misogyne qui a chanté : « une jolie fleur dans une peau de vache »… Et bien détrompez-vous, car derrière chaque Ninon, Suzon, Margot, Lisette ou Pénélope, se cache une vraie femme, LA femme de sa vie : la douce « Püppchen ». Un amour au départ clandestin (Püppchen était encore mariée) qui durera 30 ans, jusqu'à la mort de Brassens.
Les plus belles chansons de Brassens sont adressées à cette « Püppchen » : « J’ai rendez-vous avec vous », « Je me suis fait tout petit », « Saturne ». Et puis : « De servante n'ai pas besoin. Et du ménage et de ses soins, je te dispense... Qu'en éternelle fiancée, à la dame de mes pensées, toujours je pense... J’ai l’honneur de… »,
Vous souvenez des principes de l’amour courtois. Eh bien, sachez qu’en 30 ans de complicité, Püppchen et Brassens n’ont jamais habité ensemble… même s’ils se sont toujours débrouillés pour vivre à quelques rues l’un de l’autre… même s’ils se téléphonaient tous les jours… même si elle le suivait très souvent en tournée, dans les coulisses. C’est que Brassens ne voulait pas « dépoétiser » sa douce. Ils préféraient se donner rendez-vous, se surprendre, continuer à se séduire, comme si « rien n’était jamais acquis »…
Dans l’amour courtois, il n’y a que la mort pour réunir véritablement les amants. En 99, quand Püppchen est décédée, on l’a enterrée à Sète, à côté de la tombe de Georges Brassens.

1 commentaire:

  1. Quelle belle histoire ! Nous avons tant besoin d'hommes qui aiment vraiment les femmes et les respectent !
    De servante n'ai besoin...
    Ni moi, ni vous, ni personne.
    Ecoutez le "ton cul est rond" d'Allain Leprest...
    J.

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